La peinture murale

« Glorifier le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion). »

Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu

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Mini panorama

ou petit inventaire, parcours semé d’oublis volontaires, de détours, de curiosités, de découvertes.

Place de la peinture murale dans l’histoire de l’humanité

Partout dans le monde, des histoires parallèles et parfois entrecroisées tissent l’histoire de la peinture murale à travers toute la planète, au fil des siècles.

Aborigene

Bardulba area. Northern territory, Australia

 

 

Les Aborigènes d’Australie l’ont pratiqué pendant des milliers d’années. Les plus anciennes peintures datent de 30.000 ans avant J.C.

L’art aborigène d’Australie possède une tradition ininterrompue d’art rupestre qui se perpétue jusqu’à nos jours.

Vache ocre rouge

Grotte de Lascaux. France

À propos de l’art pariétal, explorez avec ce petit détour les origines de la peinture murale, la magie de notre regard créateur d’images et découverte de la paréidolie et l’anamorphose.

Le carbonate de calcium a permis au fil des siècles de fixer les pigments de couleur.

A Lascaux, la couleur noire est constituée d’oxydes de manganèse.

Aujourd’hui les peintures sont industrialisées, en pot, en tube ou en bombes et les pigments et colorants d’origine animale, végétale ou minérale sont parfois remplacés par des pigments et colorants de synthèse.

Quartier de Brunswick Street. Melbourne, Australia

Quartier de Brunswick Street. Melbourne, Australia

Les Égyptiens ont peint des fresques dans leurs lieux sacrés, les peintres ont décoré les villas à Pompéi.

Fresque des dauphins. Knossos, Crète

Fresque des dauphins. Knossos, Crète 1700-1450 avant J.C.

Les édifices religieux ont fait appels aux fresquistes et aux peintres muralistes pour de glorieuses représentations. Les palais de la Renaissance s’ornent de somptueuses décorations.

Murs et plafonds

La prise en compte de surfaces si particulières et difficiles que sont les plafonds, les voûtes et les coupoles est une des caractéristiques de la peinture murale. Y excellèrent les plus grands artistes, Mantegna, Michel-Ange, Raphaël, Pozzo, Tiepolo, Romano, Veronese et bien d’autres.

Au 15 ème siècle, la perspective est au coeur de la démarche picturale de Pierro della Francesca et de Mantegna.

Oculus peint a fresco par Andrea Mantegna

Andrea Mantegna a peint les fresques de La Chambre des Époux du « Palazzo Ducale » à Mantua (Italia) de 1465 à 1474
L’oculus plafonne à sept mètres de hauteur et fait 2,70 m de diamètre

GiulioRomano_Psyche

Psyché peint par Giulio Romano. 1517-1518. Villa Farnesina, Roma

Giulio Romano. 1517-1518.

Vénus et Jupiter peint par Giulio Romano. 1517-1518. Villa Farnesina, Roma

« Di sotte in su » vu de dessous ou en contre-plongée pour utiliser le langage visuel connu du cinéma.

Giulio Romano

Perspective plafonnante audacieuse de Giulio Romano. 1526. Le charriot du soleil. Palazzo Te à Mantua (Italie).

Détail du plafond du cabinet de bains du château de Vaux-le-Vicomte

Détail du plafond du cabinet de bains du château de Vaux-le-Vicomte

Quadrattura

La peinture murale est solidaire de l’architecture, elle en est le prolongement et à ce titre, la perspective est son outil pour la troisième dimension.

La quadratura est une technique de représentation basée sur la perpective et souvent l’anamorphose.

À l’époque baroque et rococo les artistes quadraturistes ont collaboré avec les peintres et stucateurs pour créer l’illusion d’ architectures en trompe-l’oeil sur les murs, les voûtes et les coupoles de palais et d’églises.

Ces constructions géométriques savantes sont basées sur les lois de la perpective et requièrent souvent l’anamorphose. L’enjeu pour le quadraturiste est de prolonger l’espace architectural existant par un espace fictif, pictural rigoureusement architecturé souvent en plafond. L’illusion est complétée généralement d’un espace imaginaire, nuages, personnages, chevaux volant au dessus des têtes des spectateurs. La sculpture, les stucs et la peinture sont totalement liés par l’art de la quadrature dans ces trompe-l’oeil architecturaux.

Magnificence baroque

Apothéose de Saint Ignazio. Roma. Par Andrea Pozzo.

Apothéose de Saint Ignazio. Roma.Fresque en trompe-l’oeil de 36 m de long par 16 m de large peinte en 1685 par le peintre jésuite Andrea Pozzo, l’auteur de l’ouvrage sur la perspective : Perspectiva pictorum et architectorum.

Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770) fut assisté dans plusieurs de ses projets (dont le Palais Patriarcal d’Udine, la Villa Valmarana et le Palais Labia à Venise) par le grand Girolamo Mengozzi Colonna (1688-1766), artiste de la quadratura.

Giovanni BattistaTiepolo

Apothéose de l’Espagne, l’une des fresques peintes par Giovanni BattistaTiepolo de 1762 à 1768 dans le Palais Royal de Madrid

 

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Rivière Main,
détail d’une des fresques de Giambattista Tiepolo. Résidence de Wurtzburg (Allemagne) Salle Impériale
Tiepolo le magnifique peintre et Antonio Giuseppe Bossi, fantastique stucateur ont poussé très loin l’art du trompe l’oeil : les deux personnages sont peints sur le plafond mais les pieds sont en volume ainsi que le tissus bleu et passent par dessus la moulure dorée en stuc. Saisissant.

Les peintres de cour de la Renaissance, les peintres militants officiels ou contestataires perpétuent cette longue tradition de la peinture murale.

Diego Rivera

Diego Rivera 1886- 1957

RiveraDans les années 1920 se développe au Mexique autour de la révolution mexicaine le mouvement du Muralisme mexicain avec Diego Rivera, Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros. Le message de cet art public populaire est d’inspiration socialiste.

Detroit Industry or Man and Machine, North Wall. 1932-33. Diego Rivera.

Diego Rivera
Detroit Industry or Man and Machine, mur nord. 1932-33. Diego Rivera. Detroit Museum of Fine Arts. Fresco.

Detroit Industry or Man and Machine, mur sud. 1932-33. Diego Rivera.

Detroit Industry or Man and Machine, mur sud. 1932-33. Diego Rivera.

Rivera Pan American Community Mural

Diego Rivera tenant la main de Paulette Goddard. Frida Kahlo est en premier plan en robe rouge. Frseque de Diego Rivera 1940

En France

DucosdelaHaille

Fresque de Pierre-Henri Ducos de la Haille. 1931 Exposition coloniale. Palais de la Porte Dorée. Paris.

Sallesillustre

Apollon et les arts, peint en 1897 par Paul Gervais (1859-1936). Salle des Illustres, Le Capitole, Toulouse.

Jean-André Rixens (1846-1925) Salle des Illustres, Toulouse Toulouse coopérant à la Défense Nationale

Jean-André Rixens (1846-1925) Salle des Illustres, Toulouse
Toulouse coopérant à la Défense Nationale
La ville de Toulouse tend un glaive à la République . Quadratura

 

Thomas Hart Benton

Thomas Hart Benton, peintre américain. (1889-1975) a étudié à Paris à l’Académie Julian où il a rencontré Diego Rivera. Les peintures murales de Benton au lyrisme coloré évoquent la classe ouvrière et l’histoire sociale et rurale des Etats-Unis. C’est sur l’art mural que Benton a misé pour traduire en peinture ses convictions politiques en vue de réformes. ”his personal politics into public art and thus, he hoped, into the realm of national reform”

Thomas Hart Benton

Thomas Hart Benton , peintre américain. Achelous and Hercules, 1947. Cette peinture murale avait été commandée pour un grand magasin de Kansas City. Elle se trouve actuellement au Smithsonian American Art Museum.

 Beaux lieux et mauvais lieux

Fresques et peintures murales ornent aussi bien les parois des grottes que des plafonds d’églises et de palais, l’habitat privé comme les façades de bâtiments, les paquebots, les parcs de stationnement, les restaurants, les musées, les écoles, restaurants et hôtels, entreprises, les bureaux, les usines, les foires, les salles de garde des hôpitaux, les maisons closes, les lieux de travail, les bâtiments publics, administratifs.

The famous Spiegelten. Designed and painted by Mark Ogge

The famous Spiegeltent. Stand forain. Melbourne 2013
Conçu et peint par Mark Ogge

Les Spiegeltents ont été créées fin 19ème, début 20 ème en Belgique d’abord. Cabaret, attraction, musique au programme.

Marlène Dietrich chanta « Falling in love again » dans une de ces Spiegeltents en 1930

 

Amiens

Peinture murale dans un bordel à Amiens

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La dompteuse, L’étoile bleue, maison close à Tours.
Peinture de Jacquemin vers 1925

Fresques et frasques

 

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Fresque en plafond de la salle de garde de l’Hôtel-Dieu

Pour les curieux de ces fresques insolite visitez Le plaisir des dieux, site de l’association des salles de gardes

La danse de Matisse

Plaisante parenté entre le plafond de salle de garde de l’Hôtel-Dieu et la danse de Matisse

Les panoramas

Au 19ème siècle apparaissent les panoramas, véritable construction destinée à montrer au public des peinture murales panoramiques sur de grands sujets religieux ( Panorama de Notre Dame de Lourdes) ou historiques, scènes de batailles (Waterloo).  Un dispositif scénique central permet au visiteur qui y accèdent par le dessous de contempler depuis une rotonde la scène représentée  à 360 degrés sur la toile panoramique. Ces attractions eurent un grand succès.

A La Haye, le Panorama Mesdag (14 m de hauteur et 40 m de diamètre) est le plus ancien panorama en état depuis sa création. A Paris, le Panorama Marigny subsiste  en tant que bâtiment. Il  deviendra le Théâtre Marigny construit par Charles Garnier, l’architecte de l’Opéra de Paris.

J’ai reconstitué à partir de documents photographiques la continuité du Panorama Jérusalem au temps de la Crucifixion du Christ peint par le peintre allemand Elimar Ulrich Bruno Piglhein (1848-1894)

Panorama Jérusalem au temps de la Crucifixion du Christ peint par le peintre allemand Elimar Ulrich Bruno Piglhein (1848-1894)

Panorama Jérusalem au temps de la Crucifixion du Christ peint par le peintre allemand Elimar Ulrich Bruno Piglhein (1848-1894)

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Graffitis et graffs

graffitis

Graffitis anciens. Les Baux de Provence. Portraits  politiques. Albert-François Lebrun fût président de la République Française de 1932 à 1940.

 

Les supports de l’art mural des cavernes aux églises, des palais à la rue

Du mur des cavernes au mur bâti, du mur intérieur de nos maisons au mur dans la cité, mur pignon, voûte, plafond, coupole, escalier, alcôve, couloir, hall, salon, les supports de la peinture murale sont toujours liés à l’architecture.

La peinture murale témoigne des préoccupations de chaque époque et pays, art public ou privé, laïque ou religieux, populaire ou élitiste, jouant un rôle social, voire politique.

Art de la rue

Peinture murale ou fresque, l’art de la rue

Dominique Antony sur l’échafaudage

Peinture murale ou fresque, son support même l’oppose à la peinture de chevalet (peinture bourgeoise, diront certains) et de galeries réservée à un public restreint.

Art populaire, en s’affichant sur nos murs familiers elle touche le public de la rue. Steet art.

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Élie Faure a écrit ce beau texte en 1934:

« Nais-je pas dit, ou fait entendre, que le tableau de chevalet devait rendre au grand art dont il est issu l’hommage d’une disparition aussi rapide que possible, pour revenir à l’impersonnalité réconfortante d’auxiliaire du bâtiment? »

« Art anonyme. Comme au temps des basiliques, des mosquées, des pagodes, de la sculpture rupestre de l’lnde ou du Ho-Nan. Art des mosaïstes, des verriers, des imagiers et fresquistes. Art des ouvriers du bâtiment. Art humble, art sacré que ceux qui ont gardé quelque dignité et quelque amour appellent de leurs voeux. Art qui n’a plus rien à voir avec les expositions, les médailles, les salons, les jurys, les cénacles et les systèmes. Métier heureux et lent du peintre et non plus exhibitionnisme pressé ».

 »..ces artistes ne font et ne veulent faire que de la peinture murale, se réclament de l’artisanat, tournent le dos à l’art officiel ».

« Ce n’est donc pas seulement en Occident que l’art en général semble évoluer vers des rythmes architectoniques. En Orient même symptôme,,,,,,,,,,,,,,

« Nous retournons tous, dans le monde, à l’anonymat, comme aux grandes époques, et c’est bien. Nous passons unanimement d’une civilisation individualiste à une civilisation collective – ou si le mot vous gêne? symphoniste, qu’annoncent le retour offensif de l’art populaire et l’action des ingénieurs. , ,,,,,,,,,,,,,,,,,

L’histoire est une série ininterrompue d’alternances qui se présentent à nous sous forme d’intégrations par l’amour et de désintégration par la connaissance. Ce dernier rythme, instauré par la Renaissance, a pris fin, et l’effort d’ensemble, je le pense est sur le point de commencer.»

Elie Faure, Ombres solides 1934

Élie Faure est un historien éclairé de l’art.

Ouvrages essentiels d’Élie Faure:

Histoire de l’art

L’esprit des formes

Fonction du cinéma

 

« En art, l’explication est superflue. »

Louis Calaferte. Choses dites  Le cherche-Midi éditeur